Comparaison digiscopie / photo reflex

Il est intéressant de comparer la digiscopie et la photographie traditionnelle au reflex. Chaque technique a des avantages et des inconvénients. Ici, je passe en revue les critères qui me semblent importants pour y voir plus clair.

La focale

C’est le gros avantage de la digiscopie. On peut calculer l’équivalent en focale des grossissements obtenus par la formule :

Équivalent focale = grossissement LV * focale APN * rapport de taille capteur APN-capteur 24×36

Le rapport de taille entre le capteur numérique d’un compact classique et un capteur dit “full frame” de 24*36mm est en général de 5 (pour les capteurs de 1/1.8″), voir 4,7 par exemple pour le capteur du Canon S95 un peu plus grand (1/1.7″). Si la taille du capteur n’est pas mentionnée dans les caractéristiques de l’APN, en général l’équivalent focale l’est et on peut retrouver ce rapport de taille. Par exemple, sur le zoom du Canon S95, il est écrit 6-22,5 mm. C’est la plage focale du zoom. Il est également spécifié dans les caractéristiques que le zoom est équivalent à un 28-105mm. Donc en divisant 28 par 6 ou 105 par 22,5, on retrouve le rapport de taille de 4,7. Lorsque l’on prend une photo, dans les données exifs du fichier photo, la focale est toujours spécifiée mais la focale équivalente pas forcément. Il est ainsi intéressant de pouvoir retrouver ce rapport de taille.

Ainsi, avec le zoom de la longue-vue à 60 fois, celui du Canon S95 à 22,5 mm, on obtient :

Équivalent focale= 60*22,5*4,7 = 6345 mm !!!

C’est énorme, mais bien entendu, les photos à ce grossissement seront très mauvaises. On obtient néanmoins de très bons résultats avec des équivalents focale de l’ordre de 1000 à 1500 mm (le minimum que l’on peut obtenir en digiscopie), et même au delà (jusqu’à 2500 mm au moins dans de bonnes conditions). Avec un boîtier reflex, il faudra un très gros objectif et même un multiplicateur de focale pour s’approcher de ces grossissements, sans jamais pouvoir les atteindre.

Le prix

Avantage pour la Digiscopie. En effet, une longue vue haut de gamme coûte 2500 à 3500 euros si l’on déniche les meilleurs prix. Ces instruments servent avant tout à observer, faire de la photo avec est un bonus ! Il faut alors simplement investir dans un APN et un adaptateur. On s’en sort pour 700 euros environ en achetant du très bon matériel.

En photo reflex, un objectif de grande focale (au moins 500 mm) est bénéfique seulement si la qualité optique est au rendez-vous, et de tels objectifs coûtent vite dans les 8000 euros. Le nouveau Canon 500 mm F/4 monte même à 11000 euro, et que dire du 800 mm F/5,6 chez Nikon qui sera à vous pour 16000 euro ! Depuis quelques années, des marques comme Sigma et Tamron proposent des zooms allant jusqu’à 600mm pour un prix vraiment abordable, autour de 1500 euro. Il sont d’une qualité étonnante, même si ils restent moins lumineux qu’un gros téléobjectif Canon où Nikon. Ces super zooms peuvent remettre en question l’avantage de la digiscopie au niveau du prix. Les boitiers reflex, eux, ont un prix très variable suivant la gamme, mais un boitier à 800 euro permettra déjà de faire de très bonnes photos. Le prix doit être mis en priorité dans l’objectif, car c’est lui qui déterminera en grande partie la qualité des photos.

Les montages digiscopiques et reflex (avec gros téléobjectif) nécessitent tous deux un trépied la plupart du temps. Pour absorber le poids conséquent d’un montage reflex, il faudra un trépied plus costaud et plus lourd, et donc plus cher, que celui nécessaire pour accueillir un digiscope.

Voici une petite Fauvette grisette photographiée en digiscopie ainsi qu’au reflex, avec le prix du matériel utilisé:

Digiscopie: Canon S95 sur Zeiss Diascope Victory 85 TFL. 1/320, F/3,5, 100 iso. Equivalent focale argentique: 1200 mm (minimum possible…). Prix du matériel (non actuel): 3000 euros.

Photo reflex: Canon EOS 7D avec objectif Canon EF 500 mm F/4 L IS USM. 1/1250, F/4, 250 iso. Equivalent en focale argentique: 800 mm (maximum possible). Prix du matériel (non actuel): 8000 euros.

Le poids et l’encombrement

Gros avantage à la Digiscopie. Les longues-vues sont légères et compactes (entre 1,5 et 2 kg), les APNs et les adaptateurs aussi. Les longues-vues sont également solides et entièrement étanches. Il est facile de prendre soin de l’APN qui est très peu encombrant et rentre dans une petite poche sans problème. En photo reflex, les objectifs de grande focale sont très encombrants et le matériel est beaucoup plus lourd et peu souvent étanche à la poussière et à l’humidité. De plus, il faudra un trépied plus stable et donc plus lourd pour accueillir un montage reflex (environ 1kg de plus). A noter que les super zooms de Sigma et Tamron cités plus hauts sont moins lumineux mais plus légers que les gros téléobjectifs (environ 2 kg). L’ensemble sera donc d’un poids proche d’un montage digiscopique avec ce genre d’optique.

A gauche, Canon 50D monté sur le 500 mm F/4 IS USM. Poids total: 5,4 kg, sans compter le poids conséquent de la rotule pendulaire et du gros trépied indispensable. A droite, le digiscope avec le Canon S95 monté sur la Zeiss Diascope Victory 85 et un trépied plus léger. Poids total sans le trépied: 2,5 kg.

Autofocus et réactivité

Avantage au reflex. En effet, dès que l’oiseau est dans le viseur, la mise au point est automatique et très rapide, on peut déclencher très vite. Le reflex possède également un mode rafale très rapide, de 3 à plus de 8 images par seconde, et l’enregistrement des images sur la carte mémoire est presque instantané. Il est alors facile de prendre des oiseaux en plein vol ou de figer des instants furtifs.

En digiscopie, il faut faire une pré-mise au point sur la longue vue. Ensuite, l’autofocus de l’APN prend le relai, mais il est bien plus lent que sur un reflex. Le temps d’enregistrement des photos est souvent lent également sur un APN compact, même si des appareils récents deviennent performants. Le mode rafale est en général très lent également, surtout lors de l’utilisation du format raw. Au niveau de la réactivité toujours, on peut aussi noter qu’en digiscopie, on regarde la scène sur l’écran de l’APN. Celui-ci restitue l’image avec un temps de retard, il est alors délicat d’immortaliser un instant furtif. En reflex, la vision directe autorise tout.

Remarque intéressante: la mise au point, d’après mon expérience, est beaucoup moins précise avec du matériel reflex qu’avec un montage digiscopique. ! En digiscopie, sur un oiseau immobile, une photo suffit en général pour avoir un résultat bien net. Avec mon matériel reflex haut de gamme (Canon 50D ou 7D mark 2 et 500mm F/4), j’ai parfois 70% de photos floues à cause d’une mise au point décalée tantôt derrière tantôt devant, dépendant de l’humeur du matériel… La seule façon d’avoir des photos bien nettes est de mitrailler un bon coup et de trier ensuite pour trouver les quelques images réussies…

La luminosité

Avantage au reflex. En digiscopie, les grandes focales obtenues sont toujours associées à une lentille d’entrée de l’ordre de 80 mm de diamètre. Mais même avec ce petit diamètre, le système digiscopique ouvre beaucoup car le petit capteur des APNs concentre la lumière. L’ouverture équivalente, d’après des tests de terrains, est d’environ F/4,5 à une focale de 1000mm. Avec du bon matériel reflex, l’ouverture peut aller de F/4 à F/2,8, ce qui reste un peu meilleur. Mais l’autre point important lié à la luminosité est la sensibilité iso, que l’on doit forcément augmenter en conditions de faible lumière. Sur les APNs compacts, monter en iso dégrade beaucoup la qualité des images (au delà de 200 iso), alors qu’un reflex conserve une très bonne qualité jusqu’à 800 iso et même bien au delà sur les boitiers haut de gamme actuels.

Voici un chevreuil photographié tard le soir. Cette photo était irréalisable en digiscopie à cause du manque de lumière. Canon 50D avec objectif Canon EF 500 mm f/4 L IS USM. 1/100, F/4, 1600 iso.

L’autonomie

Avantage au reflex. L’autonomie des compacts est limitée, surtout à cause de l’alimentation permanente de l’écran dont on ne peut pas se passer. Sur un reflex une batterie peut servir plusieurs jours, sur un compact au maximum quelques heures…

La qualité des images obtenues

Avantage au reflex. L’inconvénient des APNs compact, c’est qu’ils sont compacts justement… La taille du capteur numérique est en général 5 fois plus petit que la taille d’une pellicule 24*36, alors qu’un reflex possède un capteur 1 à 1,6 fois plus petit qu’un 24*36. Conséquence, les pixels sur les compacts sont beaucoup plus petits et reçoivent de ce fait beaucoup moins de lumière. Les images sont donc plus sujettes au bruit numérique, même à la sensibilité iso minimum que propose l’appareil. De plus, lorsque l’on photographie en raw, on s’aperçoit en ouvrant les fichiers bruts avec un logiciel spécifique que les photos issues des compacts sont à la base… floues ! La qualité du capteur et des objectifs est certainement trop limitée. Les photos finales apparaissent nettes au prix d’un traitement d’accentuation assez poussé et plutôt performant.

Il faut également noter que l’augmentation du nombre de pixels sur un appareil photo reflex est en général nettement bénéfique pour la qualité et la finesse des détails de l’image. Sur un compact, un grand nombre de pixels n’est pas forcément bénéfique et peut même entrainer l’effet inverse. Néanmoins, avec tous ces défauts des compacts, les photos sortant d’un système digiscopique sont étonnamment bonnes. En utilisant un APN hybride, le problème du petit capteur se pose moins, et il est alors possible d’obtenir des résultats bluffant. J’ai pu constater ceci en observant une exposition de Francis Cauet, digiscopeur Leica utilisant l’excellent Leica X1 (un compact muni d’un capteur de reflex et d’une optique au top) derrière une longue-vue de la même marque.

La qualité de l’optique des longues-vues haut de gamme, elle, est vraiment excellente, très proche de celle des meilleurs objectifs photo. Je pense honnêtement que c’est la qualité de l’APN, bien avant celle de la longue-vue, qui limite la qualité des photos prises en digiscopie.

Au final, le piqué obtenu en photo reflex reste avec un bon objectif supérieur aux meilleurs résultats que l’on obtient en digiscopie, même si la différence ne saute pas aux yeux. Une photo prise au reflex autorisera un recadrage plus important, qui pourra compenser en partie l’utilisation d’une plus faible focale. Voici une illustration avec ce Hibou moyen-duc:

Digiscopie: Fuji F30 sur Zeiss Diascope 85 TFL + oculaire 30x. 1/420, F/2,8, 100 iso. Equivalent focale argentique: 1130 mm (minimum possible…).
Photo reflex: Canon EOS 50D avec Objectif Canon EF 400 mm f/5,6L USM. 1/640, F/5,6, 200 iso. Equivalent en focale argentique: 640 mm (fixe).

En haut, on retrouve les photos originales. Dessous, ce sont les images en taille réelle: on remarque que malgré la plus grande focale obtenue en digiscopie, les images en taille réelle du hibou montrent finalement peu de différences au niveau des détails capturés. Les 15 millions de pixels du Canon 50D permettent d’approcher les 6 millions de pixels du Fuji F30.

Cependant, il ne faut pas oublier que cette comparaison ci-dessus se fait à partir d’une photo en digiscopie obtenue avec la focale minimale possible. Sur un oiseau immobile comme ce hibou et avec cette bonne lumière, on peut obtenir une image laissant le possesseur d’un reflex rêveur… :

Digiscopie: Fuji F30 sur Zeiss Diascope 85 TFL + oculaire 30x. 1/80, F/5, 100 iso. Equivalent focale argentique: 3380 mm !

Voici une autre comparaison du niveau de détail obtenu sur les 2 photos de la petite Fauvette grisette présentées plus haut, la digiscopie étant réalisée à la focale que j’utilise le plus couramment. Malgré la différence de focale résultante, le niveau de détail reste au final assez proche:

Canon S95 sur Zeiss Diascope Victory 85 TFL, focale équivalente de 1200 mm.
Canon 7D sur Canon EF 500 mm F/4 L IS USM, focale équivalente de 800 mm

Autre avantage du reflex, la présence systématique du format RAW. Sur les compacts, ce mode après avoir disparu revient mais uniquement sur quelques APNs haut de gamme. Ce format est très intéressant, car il permet d’améliorer les images grâce à des retouches beaucoup moins destructrices que celles que l’on peut faire sur un fichier jpeg (réduction du bruit, balance des blancs, accentuation etc…).

Il est également difficile de jouer sur la profondeur de champ en digiscopie. Celle-ci reste finalement assez élevée, souvent trop, par rapport à ce que l’on obtient avec un gros téléobjectif. Il est ainsi plus difficile d’obtenir un arrière plan bien flou qui fera ressortir le sujet.

En digiscopie, il est également courant de perdre de la netteté et de la qualité générale sur les bords des images. Il est alors préférable de centrer le sujet lors de la prise de vue, ce qui ne produit pas souvent les plus belles photos.